Académie royale de peinture et de sculpture






Portrait en buste de Charles Le Brun, l’organisateur de l’Académie royale, sculpté par Antoine Coysevox.


L’Académie royale de peinture et de sculpture est une ancienne institution d’État chargée en France, de 1648 à 1793, de réguler et d’enseigner la peinture et la sculpture en France durant l’Ancien Régime.




Sommaire






  • 1 Historique


  • 2 Lieu


  • 3 Activité


    • 3.1 Organisation


    • 3.2 Régulation


    • 3.3 Enseignement


    • 3.4 Doctrine


      • 3.4.1 Évolution du goût




    • 3.5 Admission


    • 3.6 Salon




  • 4 Influence de l'Académie


  • 5 Membres de l'Académie


    • 5.1 Les femmes à l’Académie Royale




  • 6 Notes et références


  • 7 Annexes


    • 7.1 Bibliographie


    • 7.2 Articles connexes


    • 7.3 Liens externes







Historique |


L'acte créant l'Académie royale de peinture et de sculpture date du 20 janvier 1648, jour de la requête au Conseil du roi de Louis XIV (alors enfant) par l'amateur d'art Martin de Charmois (1605-1661), conseiller d'État originaire de Carcassonne où il possède un cabinet de curiosité remarquable[1]. Cette institution est ainsi fondée sur mandat royal, sous la régence d’Anne d’Autriche, à l’instigation d’un groupe de peintres et de sculpteurs réunis par Charles Le Brun, qui avait pris la première initiative.


Choisissant comme devise Libertas artibus restituta, cette « liberté rendue aux artistes », ils la demandèrent à l'autorité royale, réclamant l'exemption de la tutelle de la communauté des peintres, doreurs, sculpteurs et vitriers de Paris, héritière de la Communaurté des peintres et tailleurs d'images du XIIIe siècle qui avait le monopole de la marchandise des peintures et sculptures, conformément au système de l'organisation des professions de l'Ancien régime (Vitet 1861, p. 29sq). Ils refusaient d'être soumis à des maîtres qui étaient des artisans et des entrepreneurs, souvent successeurs de leur père. Ils voulaient échapper au statut d'artisan et porter la peinture au nombre des arts libéraux[2].


Ils attribuaient les succès et le prestige de l'art italien à l'existence de l'Académie de Saint-Luc à Rome, où s'enseignaient les beaux-arts. Les fondateurs adoptèrent des statuts prévoyant l'admission au choix des membres sur présentation d'une pièce (le « morceau de réception ») et la permanence d'un enseignement basé sur le dessin de modèle vivant.


L'ambition de l'Académie était de former et rassembler les meilleurs artistes du royaume, dont les plus doués étaient nommés académiciens, un titre prestigieux garantissant protection, notoriété grâce au Salon de l'Académie royale des beaux-arts et commandes d'État[3]. Parmi les premiers membres figuraient, outre Charles Le Brun, Philippe de Champaigne, Louis Boullogne, Sébastien Bourdon, Laurent de La Hyre, Eustache Le Sueur, Juste d'Egmont, François Perrier et Gérard van Opstal. Pierre Mignard, membre de la Communauté, refusa de se joindre à eux.


La Communauté des peintres et sculpteurs de Paris ne manqua pas de réagir, et les premiers temps de l'Académie royale de peinture furent troublés, dans une époque elle aussi agitée par les dissensions de la Fronde (1648-1653). Les deux institutions se trouvaient en rivalité de monopole pour l'enseignement et le marché des tableaux et des sculptures, l'Académie avec le soutien de la Régence et du cardinal Mazarin, la Communauté des maîtres avec celui du Parlement.


En 1649, la Communauté des maîtres lança une nouvelle institution d'enseignement concurrente de l'Académie royale, l'Académie de Saint-Luc, dirigée par le peintre Simon Vouet. Alors que l'Académie royale souffrait de sérieux problèmes d'argent, l'État manquant, en cette période de troubles, de fonds, l'ancienne Communauté disposait des contributions de ses membres ; mais elle manquait de détermination à maintenir les leçons, gratuites, qu'elle organisait. En 1651, les deux Académies se joignirent, contre la volonté de Lebrun, sans cependant mettre fin aux disputes entre maîtres et académiciens. En 1655, elle reçut des lettres-patentes du roi[4].


La Fronde se terminant à l'avantage des forces royales, le cardinal Mazarin nomma l'intendant de la Maison et des Bâtiments du roi, Antoine de Ratabon, directeur de l'Académie, assisté de quatre artistes élus recteurs: Le Brun, Jacques Sarrazin, Charles Errard et Sébastien Bourdon.


Après la mort du cardinal, en 1661, le président Pierre Séguier devint le protecteur de l'Académie, le ministre Colbert étant vice-protecteur. Le jeune roi Louis XIV commença à exercer son pouvoir personnel, et il réorganisa en 1665 l'Académie royale. Elle avait eu peu de pouvoir jusqu’à ce que Colbert y vît un moyen de mettre les artistes au service et sous le contrôle de l’État. La réforme chargeait l'Académie royale d'assurer l'enseignement de la peinture et de la sculpture à Paris. Le Roi la finançait, distribuant des pensions à ses professeurs. Les artistes qui n'étaient pas membres furent priés d'y présenter leur candidature. Mignard refusa, et resta premier peintre du Roi. Lebrun fut nommé directeur. En 1666 fut créée l’Académie de France à Rome.


À la mort de Lebrun, Pierre Mignard, fut admis, nommé professeur adjoint, professeur, chancelier et recteur dans la même séance du 4 mars 1690. Les directeurs se succédèrent ensuite, restant en poste en général trois ou quatre ans.


Jacques-Louis David, bien qu’il en fût membre, s’était toujours rebellé contre l’autorité de l’Académie et les privilèges de ses membres, qu'il assimilait, non sans raisons, à ceux des corporations dissoutes par la Convention, comme en son temps Lebrun s'était rebellé contre la corporation des peintres et imagiers. Il déposa une motion à la Convention en novembre 1792[5] et obtint effectivement la dissolution de l'Académie en 1793 après un discours à la Convention nationale en août[6].


Elle fut remplacée l’année suivante par l’Institut qui fut lui-même remplacé à la Restauration par l’Académie des beaux-arts, et finalement appelé Institut de France.



Lieu |


L'Académie est d'abord située dans la rue Taînée (aujourd'hui rue Rambuteau), puis dans l'Hôtel de Clisson dans la rue des Deux-Boules. Elle déménage au Palais-Royal en 1661 avant de s'installer, en 1692, au Louvre jusqu'à sa fermeture[7].



Activité |


L’Académie avait deux fonctions principales : la régulation et l’enseignement de la peinture et de la sculpture.



Organisation |


L'Académie, à l'instar de l'Ancien régime et de l'Église catholique, fonctionnait selon un principe hiérarchique. Ce système d'organisation tente de faire coïncider la connaissance avec le pouvoir matériel. L'admission et l'élévation des membres dépend donc, en principe, de la compétence qu'ils ont acquise. Cette compétence était, dans l'Académie, vérifiée par l'opinion des pairs, recueillie par un vote dont la sincérité était garantie par le secret. Ces principes ont souvent cédé à l'influence du pouvoir politique, aux intrigues, aux intérêts des académiciens en place. Ils restèrent, cependant, un idéal inscrit dans les statuts que l'on pouvait utiliser pour justifier des décisions.


L'Académie reconnaissait plusieurs niveaux de compétence artistique. Une fois agréé (1er niveau) par la présentation d'un premier ouvrage, l'artiste pouvait être reçu académicien, par l'approbation, dans un délai marqué, d'un ouvrage dont le sujet avait été imposé à l'étape précédente. Le nombre des académiciens n'était pas limité. La carrière académique se poursuivait par l'élection à la responsabilité de professeur-adjoint (huit postes), puis, après un stage dans cette fonction, de professeur. Les douze professeurs avaient, par roulement mensuel, la charge d'ouvrir la leçon quotidienne de dessin de modèle, de placer le modèle et de le mettre en position, et de corriger les élèves.


Les professeurs, et anciens professeurs s'il y en avait, étaient membres du Conseil de l'Académie, chargé de prendre les décisions les plus importantes, sous la surveillance d'un protecteur et d'un vice-protecteur représentant l'État, qui finançait entièrement l'institution, y compris par des pensions versées à certains des membres. L'Académie pouvait aussi recevoir dans son Conseil jusqu'à six connaisseurs qui n'étaient pas artistes.


Initialement, l'Académie élisait quatre recteurs, deux vice-recteurs et un directeur. À partir des statuts colbertiens de 1664, ceux-ci furent nommés par le Roi. Un des recteurs était élu chancelier et chargé des affaires administratives. Le Conseil désignait un secrétaire à vie, chargé des actes officiels et des comptes rendus et un trésorier.



Régulation |


L’Académie était un lieu de réflexion artistique, et les académiciens y élaboraient les règles de l’Art et du bon goût. Le premier traité de peinture composé sinon par elle du moins pour elle et qui influença la conception classique des rapports entre la composition, le dessin et la couleur, est le fait du peintre, disciple de Poussin, et théoricien Charles-Alphonse Du Fresnoy, le De arte graphica[8]. L'académie ayant, à partir de 1665, le monopole de l'enseignement artistique, les théories défendues par ses membres avaient pratiquement force de loi dans le monde de l’art ; mais d'une part son organisation garantissait une certaine pénétration des influences extérieures, et d'autre part, dès que ces théories furent ressenties comme insuffisantes, il se trouva, dans et hors de l'institution, des dissidences.


Il importait aux Académiciens que l'institution regroupât les artistes d'une compétence supérieure, et distingue, en son sein, les meilleurs. Ce principe fondateur s'illustrait dans l'organisation de concours pour les étudiants et aurait dû gouverner les admissions. Cependant, les luttes d'influence et d'orgueils entre artistes et la promotion par la faveur des puissants y eurent aussi leur part, ainsi que l'intolérance religieuse qui excluait les Protestants. On trouve hors de l'Académie des artistes français reconnus par la postérité comme Pierre Puget ou Jean-Honoré Fragonard. Toutefois, dans l'ensemble, les peintres et sculpteurs de l'Académie représentent assez bien l'excellence, telle que conçue de leur temps.


La peinture était divisée en genres hiérarchisés. La peinture d’histoire venait en premier, car elle était censée demander un plus grand effort intellectuel de connaissance, d’interprétation et de composition. Le choix d'un sujet, dans l'histoire sainte et dans la mythologie gréco-romaine, ou bien dans l'histoire ancienne ou moderne était examiné avec la plus grande attention. Le second genre était le portrait, puis les sujets moins « nobles » définissaient la « peinture de genre » (scène de la vie quotidienne). Venaient ensuite les genres dits « d’observation » qu’étaient la peinture de paysage, la peinture animalière et la nature morte. Cette hiérarchie se révélait lors des concours d’entrée où les peintres d’histoire n’étaient tenus de fournir qu’une seule œuvre contre deux pour les autres genres.


D’autres genres furent ajoutés, tels les « fêtes galantes » en l’honneur de Antoine Watteau, qui ne remirent toutefois pas en cause la hiérarchie.



Enseignement |


En accord avec les principes du classicisme, il était implicitement reconnu et enseigné que tout ce qui avait rapport avec l’Art devait être soumis à des règles rationnelles, qui pouvaient par conséquent être apprises et étudiées, en harmonie avec les indispensables habiletés manuelles.


Les professeurs de l’Académie tenaient, par roulement, des cours de dessin de modèle vivant et des conférences où ils enseignaient les principes et les techniques de l’art aux candidats artistes, peintres et sculpteurs. Les cours étaient payants à un prix modique. Les étudiants concourraient à des prix chaque année.


Les élèves recherchaient ensuite un maître parmi les membres de l'académie, pour apprendre le métier dans leur atelier.


L'École royale des élèves protégés fut créée en 1748 sous la direction de Charles Antoine Coypel, afin de permettre à des éléments doués de se préparer pour le concours du prix de Rome. Elle accueillait pour trois ans six élèves de l'Académie, avec une petite pension du roi. Elle ferma en 1775, après avoir formé plusieurs artistes de renom[9] comme Jean-Honoré Fragonard.



Doctrine |


L'Académie a articulé, par des conférences tenues pour faire partie de l'enseignement, une réflexion théorique sur la peinture et la sculpture. Charles-Alphonse Du Fresnoy, auteur du premier traité sur la peinture, De ars grafica (1668), commence son ouvrage en énonçant « De tous les beaux Arts celui qui a le plus d'Amateurs est sans doute la peinture (...). Cependant cette connaissance (...) est si superficielle et si mal établie, qu'il leur est impossible de dire en quoi consiste la beauté des Ouvrages qu'ils admirent (...) cela ne vient d'autre chose que de ce qu'ils n'ont point de Règles pour en juger, ni de Fondements solides (...). Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de faire voir ici que la Peinture en doit avoir ; il suffit que vous soyez persuadé qu'elle est un Art : car, comme vous le savez, il n'y a point d'Art qui n'ait des Préceptes »[10].


Sans cesse rediscutés par des artistes professeurs dans la hiérarchie de l'Académie, et aussi par des connaisseurs admis comme conseillers, la théorie artistique est soutenue par un grand nombre de publications, comme celles de Félibien (1690) et Roger de Piles (1708). En toutes périodes, les principes admettent que l'apparence superficielle de l'ouvrage, mise en relation avec l’exécution, partie manuelle de l'art, avec ses tours de main (manières), doit se soumettre à une connaissance sous-jacente. Cette connaissance est d'abord celle de la structure physique des objets dépeints : on demande à l'artiste de connaître le corps humain « en état de nature » avant de le représenter avec ses habits, c'est pourquoi les élèves doivent pratiquer le dessin de nu. Approfondissant cette réflexion, l'artiste doit connaître l'anatomie, os et muscles, qui contraignent l'apparence des sujets. Cette soumission de l'apparence à la connaissance joue aussi dans les autres parties de l'art. La composition obéit aux lois de la perspective et de l'éclairage (clair-obscur). L’invention se soumet aux « coutumes et au temps » d'un sujet « beau et noble ». Cette invention vaut donc autant qu'elle témoigne d'une connaissance de l'histoire, connaissance toute pratique, puisqu'il s'agit le plus souvent de trouver un passage de la mythologie gréco-romaine, de l'histoire ou de l'histoire sainte qui résonne avec les préoccupations du moment. Cette approche théorique soutient ainsi la hiérarchie des genres.


Dans leurs appréciation de la beauté, les Académiciens se référent constamment à l'Antique, suivant un courant commencé avec François Ier, premier roi de France à acquérir en Italie faire exécuter des copies de statues antiques pour le château de Fontainebleau[11]. Selon du Fresnoy, « La principale et la plus importante partie de la peinture, est de savoir connaître ce que la Nature a fait de plus beau et de plus convenable à cet art ; et que le choix s'en fasse selon le goût et la manière des Anciens »[12]. L'Académie s'oppose en cela à des courants indépendants de l'idéologie royale et hiérarchique, comme la peinture flamande, à laquelle ses écrivains reprochent le choix de ses modèles et de ses sujets trop éloignés de son idéal du Beau.



Évolution du goût |


Article détaillé : Peinture française au XVIIIe siècle.

L'Académie fut, de tous temps, traversée de polémiques sur le sens pratique des théories en principe admises par tous, et notamment, sur la question de savoir si la qualité d'un ouvrage se mesurait à sa conformité au réel, c'est-à-dire à la forme des corps des modèles, ou à un idéal, pris, généralement, dans les proportions de la statuaire antique, exhumée et exposée à Rome et en Italie depuis le début du XVIe siècle, dont des copies et moulages existaient à l'attention des étudiants. La dernière de ces polémiques fut celle du retour à l'Antique lancée par Jacques-Louis David, contre le style rocaille qui avait dominé la peinture académique au milieu du XVIIIe siècle.



Admission |


Les prétendants à l’Académie Royale devaient présenter un « morceau d’agrément » afin de démontrer leurs capacités ; puis, dans un délai de trois ans, un second ouvrage dit « morceau de réception », en vue de la réception définitive.


Elle admettait ses membres sur concours annuel. Le concours consistait en la présentation d’une ou plusieurs œuvres, jugées par les membres admis, et appelées « morceaux de réception ». Elle compta jusqu’à environ 90 membres juste avant sa dissolution, en 1793.


Le lauréat du concours recevait une bourse appelée Prix de Rome, lui permettant de parfaire son éducation à l'Académie de France à Rome.


L’admission à l’Académie assurait l’accès aux commandes royales.


Au cours de l'existence de l'Académie, la régularité de l'admission par vérification de la compétence par la présentation d'un ouvrage. Les conséquences financières de l'appartenance à l'Académie donnaient un motif à des manipulations, tandis que l'exiguïté du monde des académiciens facilitaient la cabale, l'intrigue, l'influence. Tant qu'un élève n'était pas reçu, il travaillait sous le nom et au bénéfice de son maître. Reçu, il devenait concurrent. Tous les maîtres n'acceptèrent pas de bon cœur l'émulation imaginée par les fondateurs de l'Académie. C'est ainsi qu'on voit des artistes refusés à plusieurs reprises, jusqu'à un âge où d'ordinaire, les carrières sont plutôt sur le déclin. En sens inverse, la liste des académiciens fait apparaître bon nombre d'enfants de membres, ainsi que quelques épouses. L'Académie semble parfois avoir fonctionné comme la corporation dont elle avait voulu se libérer, avec cette différence que, dépendante du pouvoir royal, elle était par ce fait plus sensible aux pressions.



Salon |


Article détaillé : Salon de peinture et de sculpture.

L'Académie avait formé le projet d'exposer annuellement les œuvres de ses membres ; confirmée en 1663, cette disposition tarde à être suivie d'effet en raison de l'absence d'un local convenable[13]. Le public n'est pas admis à la première exposition en 1665[14]. À partir de 1667, à fréquence irrégulière d’abord, l’Académie expose les tableaux des candidats au Prix de Rome. En 1673, l'exposition a lieu en plein air, dans la cour du Palais-Royal ; en 1699, Louis XIV autorise la manifestation à se tenir dans la Grande Galerie du Louvre, avec pour la première fois un catalogue officiel dressé par Florent le Comte[13]. L'expérience est renouvelée en 1704.


En 1725, l'exposition a lieu pour la première fois dans le Salon carré du Louvre. La manifestation ne devient régulière qu'à partir de 1737. L'habitude est prise d'exposer les œuvres dans le Salon carré qui donne désormais son nom à la manifestation, qui va bientôt attirer un très grand nombre de visiteurs, et acquérir une réputation internationale dans le milieu des amateurs d'art[14]. À partir de 1759, Denis Diderot rédige un compte-rendu du Salon pour la Correspondance Littéraire, de Grimm[14].



Influence de l'Académie |


Il est indéniable que l’Académie eut une influence considérable sur l’art en France, et aussi sur l’ensemble de l’Europe, à cause du rayonnement de la culture française de l’époque.


Le monopole de l'Académie sur les commandes de l'État donna aux artistes qui en furent membres une place privilégiée dans le Musée, tandis que l'ouvrage de ceux qui n'en faisaient pas partie est, en France, bien plus difficile à voir, quand il a été conservé.



Membres de l'Académie |


Vitet (1861) donne la liste complète des membres de l'Académie avec leur date d'admission et le titre auquel elle se fit, ainsi que celle des professeurs, recteurs, et autres fonctions officielles[15]. Les artistes qui ne furent pas membres, comme Fragonard, Taunay et d'autres moins célèbres, poursuivirent leur carrière sans commandes de l'État hors de l'institution.



Les femmes à l’Académie Royale |


Contrairement à la corporation des peintres et imagiers à laquelle elle succédait et contrairement à l’Académie française, l’Académie ne refusa pas d’admettre dans ses rangs les femmes. Bien que destinée au départ à remplacer le modèle héréditaire de la corporation par une accession selon le mérite, l'Académie admit avec constance les enfants et les épouses des académiciens ; plus proche du pouvoir royal, qui annonçait vouloir « répandre ses grâces sans distinction de sexe[16] », on y sent aussi les pressions politiques.


L'Académie reçut en tout 15 femmes. Aucune ne fut admise à un titre de Professeur-adjoint ou supérieur, ni reçue dans la catégorie considérée comme supérieure, des peintres d'histoire, bien qu'au moins Élisabeth Vigée-Lebrun eût pu y prétendre. Les femmes ne pouvaient suivre l'enseignement dispensé pour pouvoir accéder à ces catégories : il comprenait des cours de dessin d'après le modèle dont l'accès était interdit aux femmes, car des hommes nus y posaient[17] ; pour les mêmes raisons morales, on n'y dessinait pas d'après des modèles féminins[18].


Le Brun permit lui-même l'intronisation de la première académicienne, Catherine Girardon, femme du sculpteur Girardon dans la séance du 14 avril 1663, avec pour œuvre de réception un tableau représentant « un panier de fleurs sur un pied d’estal » (perdu). Le 7 décembre 1669, Geneviève Boullogne et Madeleine Boullogne, son aînée, furent reçues comme peintres de fleurs, sur la présentation de leur père, Louis Boullogne, l’un des fondateurs de l’Académie.




Autoportrait d’Élisabeth-Sophie Chéron, aujourd’hui au musée du Louvre, réception confirmée en septembre 1673.


Élisabeth-Sophie Chéron, fille d'un peintre de miniatures, Henri Chéron, qui ne pouvait être membre de l'Académie car Protestant, fut reçue comme peintre de portraits le 11 juin 1672, à l'âge de 24 ans, avec deux portraits, l'un de Mademoiselle, l'autre le sien. La fortune et la renommée d'Élisabeth-Sophie Chéron ont largement dépassé celle de son père non membre de l'Académie, et elle n'épousa pas un académicien. Elle fut reçue sur la base de son mérite artistique, avec de forts appuis catholiques, car elle avait abjuré la religion protestante dix ans auparavant. Élisabeth-Sophie Chéron a aussi laissé quelques œuvres écrites[19].


L’Académie reçut le 24 juillet 1676, la miniaturiste Anne-Renée Strésor, fille du maître peintre Henry Strésor, de la Corporation, décédé cinq ans auparavant. Elle s'était fait remarquer à la Cour pour ses portraits minuscules. Devenue dix ans après religieuse, elle apprit la peinture à l'huile et exerça son métier dans son couvent[20]. Le 23 novembre 1680, l'Académie admit comme sculpteur sur bois, Dorothée Massé, veuve Godequin, fille de Jean Massé de Blois, présentée par Lebrun et Testelin ; le 31 janvier 1682, Catherine Perrot, peintre de fleurs et oiseaux en miniature, auteur d’un petit traité sur cet art[21] basé sur son expérience d'enseignante auprès de la nièce du Roi Marie-Louise d'Orléans[22].


En 1710, l'Académie émit une résolution, sans effet remarquable, de ne plus admettre de femmes.


L’Académie admit la peintre en pastels vénitienne Rosalba Carriera, en viste à Paris, le 26 octobre 1720. Cette admission n'eut pas de conséquences : l'artiste resta en tout moins d'un an à Paris, et rentra à Venise après avoir fait des portraits au pastel d'une grande quantité de nobles et riches personnages[23].


La Hollandaise Margareta Haverman, épouse de Jacques de Mondoteguy et élève de Huysum née à Breda, reçue le 31 janvier 1722, comme peintre de fleurs, sur forte recommandations, fut supprimée de la liste l'année suivante, ayant éludé la présentation d'un tableau de réception (Vitet 1861, p. 358).


L'Académie reçut comme peintre en miniature Marie-Thérèse Reboul le 30 juillet 1757 ; elle épousera plus tard Vien qui avait été reçu trois ans avant elle.


La Anna Dorothea Therbusch, prussienne d'origine polonaise comme la reine, fut reçue le 28 février 1767, sur présentation de son tableau de scène de genre Buveur (École nationale supérieure des beaux-arts). Arrivée à Paris à quarante ans et mal reçue par ses collègues masculins[24], elle quitta la France l'année suivante.





Les attributs de la peinture, de la sculpture et de l’architecture, pièce de réception d'Anne Vallayer-Coster


En 1770, Anne Vallayer-Coster fut reçue comme peintre de genre, et Marie-Suzanne Roslin, née à Paris, épouse de Roslin, comme peintre de portraits en pastel avec son Portrait du sculpteur Jean-Baptiste Pigalle.


Enfin, le 31 mai 1783, dans une même séance, où le nombre des académiciennes fut limité à quatre, on reçut Adélaïde Labille des Vertus, qui présentait le Portrait d’Augustin Pajou[25] et Élisabeth Vigée Le Brun qui fut reçue sans mention de genre, bien qu’elle eût présenté une peinture d’histoire, La Paix ramenant l’Abondance][26] (au musée du Louvre).


La Révolution mit fin à l'Académie royale de peinture et de sculpture, et permit aux non-membres d'exposer au Salon, ce qui y permit la présence de plus en plus nombreuse de femmes peintres[27]. Mais les institutions officielles des beaux-arts resteront fermés aux femmes pendant tout le XIXe siècle.



Notes et références |





  1. Musée des beaux-arts de Tours, Musée des Augustins de Toulouse, Les peintres du roi, 1648-1793, Réunion des musées nationaux, 2000, p. 51


  2. Heinich 1993 ; Vitet 1861.


  3. Pierre Rosenberg, Dictionnaire amoureux du Louvre, Plon, 2007, p. 27


  4. Guyot de Fère, Statistique des beaux-arts en France, Paris, 1835, p.1.


  5. M.J. Guillaume, Procès-verbaux du Comité d'instruction publique de la Convention nationale. Tome 1, Paris, Impr. nationale, 1891(lire en ligne), p. 82-90


  6. Le 8 août, après un rapport sur les Académies et sociétés littéraires par l'Abbé Grégoire(Archives parlementaires de 1787 à 1860..., Paris, p. 519-524). Discours de David ibid. pp. 523-524.


  7. Travaux sur Voltaire et le dix-huitième siècle, Institut et musée Voltaire, 1993, p. 55.


  8. Charles-Alphonse Du Fresnoy (trad. Roger de Piles), L'art de peinture : de Ch.-A. Du Fresnoy [« De Arte Graphica »], 1668(lire en ligne) ; nouvelle édition et traduction française de Philippe-Joseph Salazar, précédé d’un essai critique sur L’institution de la peinture, Paris, L’Alphée, 1990, 98-121.


  9. Louis Courajod, Histoire de l'enseignement des arts du dessin au XVIIIe siècle. L'École royale des élèves protégés, précédée d'une étude sur le caractère de l'enseignement de l'art français aux différentes époques de son histoire, et suivie de documents sur l'École royale gratuite de dessin fondée par Bachelier, Paris, J.-B. Dumoulin, 1874, cité par Annie Verger, « Entrer à l'Académie de France à Rome -- La faveur, le droit, le choix », dans Gérard Mauger, Droits d'entrée: Modalités et conditions d'accès aux univers artistiques, Paris, Ed. MSH, 2006(lire en ligne), p. 13-46


  10. Ed. cit., Préface p. s.n. (première).


  11. Francis Haskell et Nicholas Penny, Pour l'amour de l'antique : la statuaire gréco-romaine et le goût européen : 1500-1900, trad. de l'anglais par François Lissarague, Paris, Hachette, 1988.


  12. Ed. cit. p. 7


  13. a et bAlfred Picard, « Exposition universelle de 1889, rapport général »


  14. a b et cStéphane Lojkine, « Stéphane Lojkine, « Vérité, poésie, magie de l’art : les Salons de Diderot », cours donné à l'université de Provence, sept.-déc. 2011 »


  15. Voir aussi Liste des articles de Wikipédia sur des membres de l'Académie royale de peinture et de sculpture.


  16. P.V. de réception de Catherine Girardon.


  17. Martial Guédron, De chair et de marbre, Honoré Champion, 2003, p. 26


  18. Les femmes sont admises comme modèles à l'Académie royale de peinture et de sculpture en 1759, mais elles doivent être habillées et l'étude se limite à la tête. Quelques femmes posant nues existent dans les ateliers privés dès le XVIe siècle.


  19. Fermel'huis, Éloge funèbre de Madame Le Hay connue sous le nom de Mademoiselle Chéron, chez Fournier à Paris, 1712, reproduit dans les Archives de l'Art Français, 1851


  20. Voir Émile Bellier de la Chavignerie, « La sœur Anne-Marie-Renée Strésor », Revue universelle des arts, vol. 7,‎ 1858, p. 240-254.


  21. Catherine Perrot, « Traité de la miniature », dans André Félibien, Entretiens sur les vies et sur les ouvrages des plus excellens peintres anciens et modernes (…), t. 6, Paris, 1725(lire en ligne).


  22. Élisabeth Lavezzi, « Catherine Perrot, peintre savant en miniature: Les leçons royales de 1686 et 1693 », dans Colette Nativel, Femmes savantes, savoirs des femmes, Genève, Droz, 1999(lire en ligne).


  23. Musée des beaux-arts de Tours, Musée des Augustins de Toulouse, Les peintres du roi, 1648-1793, Réunion des musées nationaux, 2000, p. 253


  24. Denis Diderot, Œuvres complètes, t. 11 (lire en ligne), p. 256.


  25. Portrait au louvre


  26. Notice no 11443, base Atlas, musée du Louvre


  27. Denise Noël, « Les femmes peintres dans la seconde moitié du XIXe siècle », Clio : histoire, femmes et société, no 19,‎ 2004(lire en ligne).




Annexes |



Bibliographie |



  • Ludovic Vitet, L'Académie royale de peinture et de sculpture : étude historique, Paris, Michel Levy Frères, 1861(lire en ligne)


  • Natalie Heinich, Du Peintre à l'artiste : artisans et académiciens à l'âge classique, Paris, Minuit, 1993(présentation en ligne) « Revue critique par Olivier Bonfait ».

  • Joseph Jurt, Les Arts rivaux. Littérature et arts visuels d'Homère à Huysmans.Paris: Classiques Garnier, 2018, p. 71-117.


  • Les peintres du roi, 1648-1793, catalogue d’exposition, musée des beaux-arts de Tours et musée des Augustins à Toulouse, 2000.


  • Anatole de Montaiglon, Procès-verbaux de l'Académie royale de peinture et de sculpture, 1648-1793, tome I, 1648-1672, J. Baur libraire, Paris 1875 (lire en ligne)

  • Anatole de Montaiglon, Procès-verbaux de l'Académie royale de peinture et de sculpture, 1648-1793, tome II, 1673-1688, J. Baur libraire, Paris 1878 (lire en ligne)

  • Anatole de Montaiglon, Procès-verbaux de l'Académie royale de peinture et de sculpture, 1648-1793, tome III, 1689-1704, J. Baur libraire, Paris 1880 (lire en ligne)

  • Anatole de Montaiglon, Procès-verbaux de l'Académie royale de peinture et de sculpture, 1648-1793, tome IV, 1705-1725, Charavay Frères libraires, Paris 1881 (lire en ligne)

  • Anatole de Montaiglon, Procès-verbaux de l'Académie royale de peinture et de sculpture, 1648-1793, tome V, 1726-1744, Charavay Frères libraires, Paris 1883 (lire en ligne)

  • Anatole de Montaiglon, Procès-verbaux de l'Académie royale de peinture et de sculpture, 1648-1793, tome VI, 1745-1755, Charavay Frères libraires, Paris 1885 (lire en ligne)

  • Anatole de Montaiglon, Procès-verbaux de l'Académie royale de peinture et de sculpture, 1648-1793, tome VII, 1756-1768, Charavay Frères libraires, Paris 1886 (lire en ligne)

  • Anatole de Montaiglon, Procès-verbaux de l'Académie royale de peinture et de sculpture, 1648-1793, tome VIII, 1769-1779, Charavay Frères libraires, Paris 1888 (lire en ligne)

  • Anatole de Montaiglon, Procès-verbaux de l'Académie royale de peinture et de sculpture, 1648-1793, tome IX, 1780-1788, Charavay Frères libraires, Paris 1889 (lire en ligne)

  • Anatole de Montaiglon, Procès-verbaux de l'Académie royale de peinture et de sculpture, 1648-1793, tome X, 1789-1793, Charavay Frères libraires, Paris 1892 (lire en ligne)

  • Octave Fidière, État-civil des peintres & sculpteurs de l'Académie royale. Billets d'enterrement de 1648 et 1713, Charavay Frères libraires, Paris, 1883 (lire en ligne)

  • Maxime Préaud, Les morceaux de réception des graveurs à l'Académie royale des beaux-arts : 1655-1789, Bibliothèque nationale de France, 1982



Articles connexes |



  • Guildes de Saint-Luc

  • Académie de Saint-Luc

  • Académie des beaux-arts (France)

  • Salon de peinture et de sculpture

  • École française de peinture



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