Sunnisme
Le sunnisme[1] est un courant religieux majoritaire de l'islam. 90 % des musulmans sont sunnites[2]. Il est souvent apparenté à une vision orthodoxe de l'islam[3].
Le mot sunnite est dérivé du mot « sunna » qui représente la ligne de conduite de Mahomet[4], dernier prophète de l'Islam. Ses actes ont donc valeur de modèle et sont compilés dans des recueils de logions appelés « hadith », dont les principaux sont le Sahih al-Bukhari et le Sahih Muslim, considérés comme authentiques (sahih) par les seuls musulmans sunnites[4].
Constituant l'une des trois grandes divisions de l'islam, les sunnites sont désignés en arabe comme les gens de la « sunna » et de la majorité religieuse (ahl al-sunna wa'l-djama‘a). Par opposition aux chiites et aux kharidjites, on les appelle parfois « musulmans orthodoxes ». Ce qui distingue les courants de l'islam est principalement l'interprétation de la religion.
En 2016 un concile, inauguré par le grand imam de l'Azhar (Ahmed al-Tayeb) et rassemblant 200 personnalités sunnites du monde entier, s'est réuni dans le but de définir l’identité de ceux qui se font connaître comme ahl as-sunnah wa l-jamāʻah (arabe : أهل السنة والجماعة ; « les gens de la tradition de Mahomet et de la majorité religieuse ») ou, pour faire court, ahl as-sunnah (أهل السنة ; « les gens du sunnisme ») par opposition aux différents groupes considérés égarés. À l'issue de leurs travaux, les dignitaires sunnites ont convenu que les gens du sunnisme sont ; les asharites et les maturidites, au niveau du credo ; les hanifites, les malikites, les chaféites et les hanbalites, au niveau du droit ; et les soufis de l'imam Junaid al-Baghdadi, au niveau de la gnose, des manières et de la purification [spirituelle] »[5],[6].
En réponse au terrorisme islamiste, le concile de Grozny déclare que le wahhabisme ne fait pas partie du sunnisme[7],[8]. Ce concile réitère ainsi l'excommunication de Mohammed ben Abdelwahhab prononcée dès le milieu du XVIIIe siècle par les Chérifs et les Muftis de la Mecque, avalisant alors une réfutation contre « l'égaré qui égare » intitulée : Le Livre de la prévention de l'égarement et de la répression de l'ignorance et rédigée par le théologien hanbalite Souleyman ben Abdelwahhab (qui n'est autre que son propre frère)[9].
Géographiquement, les sunnites sont répandus en Afrique du Nord, en Libye et en Égypte, en Arabie saoudite, en Syrie, en Irak, au Pakistan, en Indonésie, en Afrique subsaharienne en Turquie, en Azerbaïdjan et plusieurs autres pays comme le Kurdistan et le Kirghizistan. On les rencontre tantôt seuls, tantôt mêlés à des minorités kharidjites (Afrique du Nord) ou chiites (Liban, Syrie, Irak, Inde) ; tantôt attachés à un islam qui se veut « arabe » (Coran arabe, Prophète arabe), tantôt à un islam plus ou moins altéré par l'intégration de syncrétismes chez les peuples islamisés.
Sommaire
1 Histoire
2 Écoles juridiques
3 Écoles théologiques
4 Écoles philosophiques
5 Notes et références
6 Voir aussi
6.1 Bibliographie
6.2 Articles connexes
6.3 Lien externe
Histoire |
À la mort de Mahomet en 632, un différend naît entre les habitants de Médine et de La Mecque concernant sa succession. Certains préfèrent une succession issue de la famille en proposant notamment Ali son gendre et cousin pour lui succéder. Les compagnons s'y opposent et nomment comme premier calife Abou Bakr. Le troisième calife Othmân est assassiné en 656 par des opposants. Le gouverneur de Damas Muʿawiya, cousin d'Othmân, entre en conflit avec Ali devant l'incapacité de ce dernier à faire arrêter les assassins d'Othmân, ce qui provoque la première guerre civile musulmane, la fitna. Pendant le règne d'Ali, un clivage se cristallise entre ceux qui s'appuient sur la sunnah, la tradition du Prophète (les sunnites) et ceux qui sont du parti d'Ali (Shīʻatu ʻAlī — les Chiites). En 661, Ali est assassiné et Muʿawiya désigné cinquième calife. Il rompt alors avec la tradition arabe du califat électif au profit du califat héréditaire des Omeyyades avec comme capitale Damas. En 680, côté sunnite, Yazīd fils de Muʿawiya prend la succession de son père tandis que côté chiite Al-Ḥusayn, fils d'Ali, succède lui aussi à son père. En guerre, Al-Ḥusayn est massacré avec sa famille et ses hommes à la bataille de Kerbala par les armées omeyyades. Kerbala qui voit le califat Omeyyade triompher et pulvérise les ambitions dynastiques de la famille du Prophète est en même temps l'épisode fondateur du chiisme[10].
Écoles juridiques |
Les quatre écoles de droit (madhhab) ont divergé sur des questions de jurisprudence mais sont unanimes sur les fondements de la croyance (Aqida), à savoir le Coran et la Sunna de Mahomet selon la compréhension de ses compagnons. Ces deux sources sont fondamentales seulement pour les sunnites.
Les quatre écoles se reconnaissent mutuellement comme valides et véridiques, et les différences qui les caractérisent sont relativement minimes.
- L'école hanafite d'Abu Hanifa Al-Nu'man Ibn Thabit : c'est la plus ancienne et la plus répandue des écoles, créée au moment où les religieux de l'époque, contemporains du prophète, décidèrent de déménager à Koufa en Irak. C'est l'école la plus ouverte au niveau des déductions, car elle insiste sur la liberté d'opinion, le jugement personnel et la recherche de la meilleure solution (au cas par cas, en fonction des convenances du moment et de l'équité). Il existe donc, du moins à l'origine, une certaine marge de manœuvre interprétative. Le rite insiste sur l'importance des textes et de la tradition. Peu à peu, cette école va perdre de sa capacité à innover et la notion d’ijtihad (interprétation) laisse place à la notion de taqlid (imitation, tradition). L'école hanafite se retrouve surtout chez les peuples turcs, indo-pakistanais, afghans et chinois et le Levant (Syrie et Liban).
- L'école malikite a été fondée par Mâlik ibn Anas en basant la théorie juridique sur les coutumes médinoises au moment où Mahomet y vivait. Elle diffère essentiellement des trois autres écoles par les sources qu'elle utilise pour déterminer la jurisprudence. Si les quatre écoles utilisent le Coran, la sunna, ainsi que l'ijma (le consensus des experts) et les analogies (qiyas), le malikisme utilise également les pratiques des habitants de Médine (Amal ahl al-medina) à l'époque de Mahomet comme sources de la jurisprudence (fiqh). Cette place majeure donnée à la coutume a favorisé l'acceptation de coutumes populaires rejetées par d'autres courants. L'interprétation (ijtihad), d'abord recommandée, est (pour certains juristes) fermée au Xe siècle. L'école est principalement répandue en Afrique du Nord et en Afrique de l'Ouest, ainsi que minoritairement en Syrie et aux Émirats arabes unis. Une minorité malikite importante est également présente dans les villes saintes de La Mecque (dont est issu le célèbre imâm Muhammad Ibn 'Alawî Al Mâlikî Al Makkî) et de Médine. L'Espagne musulmane (al-andalus) était le bastion du sunnisme malikite. Elle reste cependant toujours présente en Occident, notamment en Europe de l'Ouest et aux États-Unis.
- L'école chaféite de Mouhammad abū àbd allah ben idrīs aš-šāfi`ī, descendant de la tribu de Quraysh, dont est également issu Mahomet, est un compromis entre les deux écoles précédentes. Cette école valorise la sunna comme source du droit et insiste sur le consensus de toute la communauté, mais le point de vue des savants l'emporte, écartant par là l'opinion personnelle. Elle est particulièrement répandue en Égypte, Arabie, Yémen, Koweït, Indonésie, Malaisie, Viêt Nam, Philippines et en Thaïlande.
- Le hanbalisme est l'école inspirée par l’imam Ahmed Ibn Hanbal (mort en 855). Elle est considérée comme l'école traditionaliste par excellence[13]. Majoritaire dans la péninsule arabique, notamment en Arabie saoudite, l'école hanbalite a exercé et continue d'exercer une influence intellectuelle importante.
Pour élaborer le droit musulman, les sunnites s'accordent sur quatre sources de droit : le Coran, livre révélé au prophète de l'islam Mahomet ; les hadiths (formant la Sunna), qui précisent et complètent le Coran ; puis le consensus des juristes musulmans et, enfin, le raisonnement juridique analogique (qiyâs).
Écoles théologiques |
Il existe deux écoles théologiques : l'acharisme et le maturidisme.
- L'asharisme (littéralisme et rationalisme), fondé par Abû Al-Hasan Al-Ach`arî (873–935) est un des principaux courants théologiques. Il fut entre autres adopté chez les malékites du Maghreb par Al-Mazri et chez les chaféites par Al-Ghazali, un mystique et juriste qui pense que la révélation dépasse la raison humaine. Cependant, cette école théologique se différencie des traditionalistes atharistes en considérant qu'il est parfois nécessaire d'ajouter le raisonnement à la révélation contenue dans le Coran et la sunna afin d'expliquer certaines ambiguïtés et de réfuter certaines pensées jugées hérétiques comme l'anthropomorphisme[14]. Cette méthodologie de raisonnement théologique est appelée kalâm et autorise une certaine interprétation prudente et limitée des textes, non strictement littéraliste. L'asharisme a su ainsi montrer la compatibilité des textes révélés avec la raison.
- Le maturidisme, fondé par Abul Mansûr Al Mâturîdî (944). Assez minoritaire jusqu'à son adoption par les tribus turques d'Asie centrale, en même temps qu'ils ont adopté l'école juridique hanafite. Le maturidisme est une école théologique identique à l'Ash'arisme et surtout répandue chez les sunnites de jurisprudence hanafite. L'imam fondateur de cette école doctrinale était contemporain à l'imam Abû Al-Hasan Al-Ach`arî. À eux deux, ils restent la référence principale des sunnites en termes de croyance.
Les sunnites, à savoir les asharites et les maturidites, ont expliqué que l'homme ne crée pas ses actes, mais qu'il les acquiert. En d'autres termes, l'homme oriente sa volonté vers l'acte et c'est Dieu qui le crée[15].
Écoles philosophiques |
Le terme « soufi » apparaît pour la première fois dans la seconde moitié du VIIIe siècle de l'hégire pour désigner des ascètes. Les soufis sont des sages, des mystiques musulmans qui prient, jeûnent, portent des vêtements blancs rugueux (l'arabe sûf, signifie « bure », « laine », car les premiers ascètes musulmans furent ainsi désignés à cause des vêtements de laine qu'il portaient ; (ils peuvent porter le muruga, manteau fait de morceaux rapiécés symbolisant le fagr, c'est-à-dire l'illusion du monde[16]).
Le mot « soufisme » serait tiré de al-souf (ﺻﻮﻑ [ṣūf], « laine » qui donne صوفيّ [ṣūfīy], « laineux ») ; c'est ce que retient en tout cas l'historien Ibn Khaldoun. Le soufi portait en effet un vêtement de laine blanche censée apporter de la sagesse aux regards. La modestie et la pauvreté sont évoquées dans d'autres noms donnés à certains d'entre eux : derviche (persan : درويش [derwiš], « mendiant ») ou [faqīr] (en arabe : فقير — « pauvre »). René Guénon ajoute que le sens premier et fondamental du mot « soufi » est donné par « l'addition des valeurs numériques des lettres dont il est formé. Le mot soufi a le même nombre que El-Hekmah el-ilahiyah, c'est-à-dire la “Sagesse divine” ; le soufi véritable est donc celui qui possède cette sagesse ou, en d'autres termes, il est el-ârif bi'llah, c'est-à-dire “celui qui connaît par Dieu”, car Dieu ne peut être connu que par Lui-même[17]. »
Les docteurs de l'islam (oulémas) ont défini le soufisme (en arabe : تصوف [taṣawwuf] « initiation »[17]) comme « une science dont l'objectif est la réparation du cœur afin de le détourner de tout autre que Dieu[18]». L’amour tient en effet une place centrale dans l’enseignement soufi. Les plus illustres ouvrages sur ce sujet sont Le Traité de l’amour d’Ibn Arabi et Le Livre de l’amour de l’imam al-Ghazâlî. Pour Ibn Arabi,
« Le soufisme ce n'est rien de plus que les cinq prières et l'attente de la mort. » Et de préciser en citant cette formule : « Il y a là une science immense[19]. »
Notes et références |
arabe : سني sunnīy.
« Encyclopédie Larousse en ligne — sunnisme », sur www.larousse.fr, Éditions Larousse (consulté le 23 juillet 2017).
(en) « Sunni and Shia Islam », Library of Congress Country Studies (consulté le 17 décembre 2010).
(en) « Sunna », Merriam-Webster (consulté le 23 juillet 2017) : « the body of Islamic custom and practice based on Muhammad's words and deeds ».
« Schisme en Islam : le Wahhabisme exclu du sunnisme », sur Metamag.fr, 19 octobre 2016(consulté le 28 mai 2017).
(en) « Islamic conference in Chechnya: Why Sunnis are disassociating themselves from Salafists », sur firstpost.com, 9 septembre 2016(consulté en septembre 2016) : « He stated: “Ahluls Sunna wal Jama’ah are the Ash’arites or Muturidis” (adherents of Abu Mansur al-Maturidi's systematic theology which is also identical to Imam Abu Hasan al-Ash'ari’s school of logical thought). In matters of belief, they are followers of any of the four schools of thought (Hanafi, Shaf’ai, Maliki or Hanbali) and are also the followers of pure Sufism in doctrines, manners and [spiritual] purification ».
Benjamin Barthe (correspondant), « Contre Riyad, un conclave antiwahhabite », Le Monde.fr, 17 septembre 2016(ISSN 1950-6244, lire en ligne, consulté le 28 mai 2017).
« Schisme en Islam : le Wahhabisme exclu du sunnisme », sur Metamag.fr, 19 octobre 2016(consulté le 28 mai 2017).
Hamadi Redissi, Le Pacte de Nadjd, p. 101.
Martine Gozlan, Sunnites, Chiites. Pourquoi ils s'entretuent, Le Seuil, 2008, p. 50.
Évariste Lévi-Provençal, Études d'orientalisme dédiées à la mémoire de Lévi-Provençal, vol. 1, Paris, éd., 1962, p. 203.
(en) Roland Anthony Oliver et Anthony Atmore, « Medieval Africa, 1250-1800 », Cambridge, Presses universitaires de Cambridge, 2001, p. 36.
Charles Saint-Prot, Islam, l'avenir de la tradition entre révolution et occidentalisation.
(en) Bülent Þenay, « Ash'ariyyah Theology, Ashariyyah », Believe Religious Information Source, juin 2017(consulté le 23 juillet 2017).
Cf. traité Tahawiyya, Sanouciyya, Nasafiyya, etc.
Encyclopédie Hachette, Hachette (ISBN 978-2-245-02693-9).
René Guenon, Aperçus sur l'ésotérisme islamique et le taoïsme, vol. 182, Gallimard, coll. « Les essais », 1973, 157 p., p. 18.
(en) Ahmed Zarruq, Zaineb Istrabadi et Hamza Yusuf Hanson, « The Principles of Sufism », Amal Press, 2008.
Ibn Arabi, Le Mahdi et ses Conseillers, Mille et une lumières, 2006, 133 p. (ISBN 2-916337-00-8).
Voir aussi |
- Conférence islamique internationale de Grozny
Bibliographie |
- Yadh Ben Achour, Aux fondements de l'orthodoxie sunnite, Paris, P.U.F., coll. « Proche Orient », 2008
- Messaoud Boudjenoun, Les Quatre Imâms : fondateurs des écoles sunnites. Paris : Universel, 2004. 264 p., 23 cm (ISBN 2-911546-41-5)
- Rachida Rostane, article « Les statuts coraniques » publié in revue Convergence année 2002 autour du discours islamo-chrétien
- Edgard Weber, L'Islam sunnite contemporain, éd. Brepols, Turnhout, 2001
- Ibrahim al-Ya'qûbî, La Doctrine de l'unité selon le sunnisme, éd. Alif, Lyon, 1999
- Charles Saint-Prot, Islam : l'avenir de la Tradition entre révolution et occidentalisation, Rocher, 2008, 618 p. (ISBN 978-2268066103)
- Abou Hanifa, Les Fondements de la foi sunnite (Al fiqh Al-akbar), Sabil, 2006, 174 p. (ISBN 2-914246-33-1)
- Corentin Pabiot, Les Quatre Écoles de droit sunnites, Paris, Maison d'Ennour, 2006, 108 p. (ISBN 2-7524-0055-1)
- Corentin Pabiot, Le Sunnisme - Des origines à la constitution des écoles, Paris, Maison d'Ennour, 2014, 254 p. (ISBN 2-7524-0067-5)
- Mohammad Aboû Zahra (trad. Michel Galloux), L'imam Aboû Hanifa : sa vie et son époque, ses opinions et son fiqh, Al Qalam, 2007, 503 p. (ISBN 978-2-909469-58-4)
- Mohammad Aboû Zahra (trad. Michel Galloux), L'imam Mâlik : sa vie et son époque, ses opinions et son fiqh, Al Qalam, 2007, 392 p. (ISBN 978-2-909469-41-6)
- Mohammad Aboû Zahra (trad. Michel Galloux), L'imam Ach-Châfî : sa vie et son époque, ses opinions et son fiqh, Al Qalam, 2012, 472 p. (ISBN 978-2-909469-64-5)
- Mohammad Aoû Zahra (trad. Michel Galloux), L'imam Ibn Hanbal, Al Qalam, 2012, 519 p. (ISBN 978-2-909469-65-2)
Articles connexes |
- Islam
- Asharisme
- Maturidisme
- Hanafisme
- Malikisme
- Chaféisme
- Hanbalisme
- Soufisme
Lien externe |
- « La différence entre chiites et sunnites ? », sur www.youtube.com
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