Art pariétal
Dans le cadre de l'étude de l'art préhistorique, l'expression « art pariétal » (du latin parietalis, « relatif aux murs » au sens de paroi), désigne l'ensemble des œuvres d'art au sens large (sans appréciation esthétique) réalisées par l'Homme sur des parois de grottes. La plupart des auteurs l'opposent aujourd'hui à l'art rupestre (du latin rupes, « roche »), art sur rocher à l'air libre, mais aussi à l'art mobilier (que l'on peut déplacer) et à l'art sur bloc[1].
Le pariétaliste est le chercheur qui étudie les œuvres pariétales.
Art pariétal :
Grotte de Lascaux.
Art rupestre :
vallée de Côa.
Art mobilier :
Dame de Brassempouy.
Art sur bloc :
Vénus de Laussel.
Sommaire
1 Historique
2 Techniques
2.1 Techniques de peinture
2.2 Techniques de gravure
2.3 Éclairage
3 Représentations
4 Théories explicatives
5 Âge et répartition
6 Articles connexes
7 Liens externes
8 Notes et références
Historique |
Marcelino Sanz de Sautuola, un gentilhomme espagnol revenant de l’Exposition universelle de Paris, décida d'explorer la grotte d'Altamira découverte sur son territoire par un chasseur. Alors qu'il effectuait des fouilles dans cette grotte, sa fillette Maria, alors âgée de huit ans, remarqua la première la présence de « toros » dessinés au plafond et découvrit ainsi l'art pariétal paléolithique entre 1875 et 1879. M. Sanz de Sautuola publia ses conclusions et son hypothèse sur l'existence d'un art préhistorique dans un opuscule intitulé Breves apuntes sobre algunos objetos prehistóricos de la Provincia de Santander en 1880[2].
La polémique qui s'ensuivit fit rage dans le milieu scientifique ; les spécialistes français tels que Gabriel de Mortillet et Émile Cartailhac rejetèrent catégoriquement les conclusions de Sautuola. Cette grotte fut alors considérée comme un faux par la majorité des savants jusqu'à la fin du XIXe siècle.
À la suite des découvertes d'autres grottes ornées, en particulier la grotte des Combarelles et la grotte de Font-de-Gaume en 1901, le préhistorien Émile Cartailhac publia l'article « Mea culpa d'un sceptique » en 1902, réhabilitant ainsi les travaux de l'archéologue espagnol. Cette polémique contribua à la reconnaissance scientifique de l'art pariétal paléolithique comme une forme d'art à part entière.
Techniques |
Les principales techniques utilisées sont le dessin, la peinture (au tampon, au soufflé), la gravure (piquetage, incision ou raclage) et la sculpture (modelage en argile ou autre matière ou encore, taille en bas-relief).
Techniques de peinture |
Certaines peintures ont été réalisées au pinceau. Les poils du pinceau pouvaient être fabriqués avec du crin d'animal, des poils et même des matières végétales telles que des feuilles ou des tiges. Les peintures peuvent être monochromes, bichromes ou polychromes (grotte de Lascaux).
Des peintures ont été faites au doigt enduit de peinture, comme dans la grotte de Covalanas (es) (Cantabrie)[3].
Enfin, la technique du soufflé (ou crachis) était utilisée pour tracer des contours (chevaux ponctués de la grotte du Pech Merle), remplir une surface (grotte de Lascaux) ou faire des mains négatives (grottes de Gargas). Un pochoir délimitait la zone à remplir puis avec un outil creux (os, roseau) ou la bouche, la peinture était expulsée- sur le support.
Techniques de gravure |
Les gravures par incision de la paroi, plus ou moins profondes, sont effectuées avec un outil en silex. C'est la technique de gravure la plus répandue.
Des gravures sont également réalisées par piquetage : la roche est martelée avec un morceau de roche dure.
Des gravures au doigt sur l'argile molle des parois sont aussi connues dans certaines grottes : plafond des hiéroglyphes de la grotte du Pech Merle par exemple.
Éclairage |
« Art des ténèbres » lorsqu'il est pratiqué dans des grottes profondes, l'art pariétal nécessite un éclairage adapté : torche enduite de résine enflammée, lampe à graisse[4].
De nombreuses traces charbonneuses sur les parois sont des mouchures (ou mouchetures) résultant du ravivage de la flamme des torche en retirant leur partie carbonisée qui asphyxie la flamme[5]. Deux techniques de mouchage sont proposées : mouchage classique par écrasement ponctuel et ou étiré avec ou sans chute de charbons, mouchage par frottement (détachement des mouchures), soit naturellement lors de mouvements, soit volontairement par choc avec un objet tenu de la main libre ou par contre-coup[6].
En 2013, une hypothèse a été proposée par deux amateurs (un artiste et un professeur de médecine) pour expliquer les techniques utilisées par les artistes du Paléolithique pour réaliser leurs œuvres en fonction de l'éclairage[7]. Selon les auteurs, ils auraient utilisé des statuettes dont l'ombre projetée sur les parois des grottes permettrait de dessiner la silhouette. Cette hypothèse controversée repose sur l'affirmation selon laquelle des silhouettes seraient identiques dans une même grotte, ou sur une absence de détails tels que les yeux des animaux figurés[8]. Les détracteurs estiment que les auteurs de cette théorie méconnaissent les grottes, l’évolution des peintures pariétales[8] et les dernières recherches, et vont jusqu'à parler de charlatanisme[9].
Représentations |
Les représentations sont symboliques (points-paumes, signes plus ou moins complexes) ou figuratives. La figuration peut être statique ou dynamique, stéréotypée ou naturaliste. Elle n'est jamais de dos ou par-dessus mais de profil (profil absolu typiquement pour les représentations humaines, « perspective tordue » ou « semi-tordue », « vraie perspective » des Magdaléniens) ou de face. Elle peut être totale ou par segments anatomiques. Les figurations céphaliques sont fréquentes, souvent prolongées par les encolures pour les animaux (protomés), rarement par les poitrails (bustes) pour les humains[10].
Théories explicatives |
Diverses théories ont été avancées pour tenter d'expliquer l'art pariétal paléolithique.
Dans The Prehistory of Autism[11], les chercheurs Penny Spikins et Barry Wright, relient l'art pariétal avec les traits autiiques.
Âge et répartition |
Jusqu'à récemment on pensait que les plus anciennes œuvres d'art pariétal européennes étaient celles de la grotte Chauvet, datées l'Aurignacien (32 000 ans avant le présent). Toutefois, jusqu'au XXIe siècle la datation précise était difficile, la plupart du temps en raison de l'absence de résidus organiques et donc de l'impossibilité d'utiliser la datation par carbone 14. Depuis, on utilise la méthode de datation par l'uranium-thorium. Celle-ci a récemment permis de dater certaines peintures, en Espagne (grotte de la Pasiega (en), grotte de Maltravieso (es) et grotte d'Ardales), à -64.800 ans — soit 20.000 ans avant l'arrivée de l'homme moderne, ce pourquoi on les a attribuées à l'homme de Néanderthal[12].
Une empreinte de main dans la grotte Leang Tempuseng, district de Maros en Indonésie, a été datée à 39.900 ans. La grotte abrite d'autres figures, elles aussi très anciennes[13].
Environ 350 grottes ornées datant du Paléolithique supérieur sont connues en Europe, principalement en France et en Espagne :
Grotte du Castillo, Espagne (~40.000 ans)
Grotte Chauvet, France (~35.000 ans)
Grotte de la Pasiega, Espagne (~30.000 ans)
Grottes d'Arcy-sur-Cure, France (~28.200 ans)
Grotte Cosquer, France (~27.000 ans)
Grotte de Cussac, France (~25.000 ans)
Grotte du Pech Merle, France (25,000 ans)
Grotte de Font-de-Gaume, France (~17.000 ans)
Grotte de Lascaux, France (~17.000 ans)
Grotte de Niaux, France (~17.000 ans)
Grotte d'Altamira, Espagne (~15.500 ans)
Grotte de La Marche, France (~15.000 ans)
Grotte de Creswell (Nottinghamshire), Royaume-Uni (~14.500 ans)
D'autres grottes ont été ornées à des époques postérieures (Épipaléolithique, Néolithique, âge du Bronze…). Tel est le cas de la grotte de Magoura à Belogradchik en Bulgarie (~10.000 ans).
Articles connexes |
- Préhistoire
- Grotte ornée
- Liste des articles de Wikipédia sur des grottes ornées
Liens externes |
Lascaux, chapitre consacré à l'art pariétal : le support, l'accès aux parois, l'éclairage, le mobilier archéologique, la matière première, les thématiques, les techniques, la perspective, la construction des figures et des panneaux.
Notes et références |
Marcel Otte, La Préhistoire, De Boeck Supérieur, 2009(ISBN 9782804104467, lire en ligne), p. 191.
Nathalie Richard, Inventer la préhistoire. Les Débuts de l'archéologie en France, Vuibert, 2008.
« http://cuevas.culturadecantabria.com/francais/covalanas.asp »(Archive • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?).
Brigitte et Gilles Delluc, Dictionnaire de Lascaux, Éditions Sud Ouest, 2008, p. 136-137.
Mouchagde de torche dans la grotte Chauvet.
Jean Clottes, Les cavernes de Niaux. Art préhistorique en Ariège, Seuil, 1995, p. 68.
Jean-Jacques Lefrère et Bertrand David, La Plus Vieille Énigme de l'humanité, Fayard, 2013, 180 p.
Julie Danet, « Des peintures tout en contours ? », Sciences Ouest, mars 2013(consulté le 19 avril 2013).
Romain Pigeaud, « Archéologia n° 508 Page : 6-9 », Archéologia, 4 mars 2013(consulté le 19 avril 2013).
Marcel Otte, La préhistoire, De Boeck Supérieur, 2009, p. 199-200.
(en) « The Prehistory of Autism, Penny Spikins and Barry Wright », sur Rounded Globe (consulté le 13 mars 2019)
Tim Appenzeller, « Europe's first artists were Neandertals », Science, vol. 359, no 6378, 23 février 2018, p. 852-853 (DOI 10.1126/science.359.6378.852, lire en ligne, consulté le 22 mars 2018).
D. L. Hoffmann, C. D. Standish, M. García-Diez, P. B. Pettitt, J. A. Milton, J. Zilhão, J. J. Alcolea-González, P. Cantalejo-Duarte, H. Collado, R. de Balbín, M. Lorblanchet, J. Ramos-Muñoz, G.-Ch. Weniger, A. W. G. Pike, « U-Th dating of carbonate crusts reveals Neandertal origin of Iberian cave art », Science, vol. 359, no 6378, 23 février 2018, p. 912-915 (DOI 10.1126/science.aap7778, lire en ligne, consulté le 22 mars 2018).
Aubert et al., « Pleistocene cave art from Sulawesi, Indonesia », Nature, 2014, n° 514, p. 223–227.
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