António de Oliveira Salazar





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António de Oliveira Salazar

Illustration.
Fonctions

Président du Conseil des ministres du Portugal
(de 1932 à 1933 : président du ministère)
5 juillet 1932 – 25 septembre 1968
(36 ans, 2 mois et 20 jours)
Président

Óscar Carmona
Francisco Craveiro Lopes
Américo Tomás
Prédécesseur

Domingos Oliveira
Successeur

Marcelo Caetano

Président de la République portugaise
(intérim)
18 avril – 9 août 1951
(3 mois et 22 jours)
Prédécesseur

Óscar Carmona
Successeur

Francisco Craveiro Lopes
Ministre de la Défense
13 avril 1961 – 4 décembre 1962
(1 an, 7 mois et 21 jours)
Président du Conseil

Lui-même
Prédécesseur

Júlio Botelho Moniz
Successeur

Gomes de Araújo (pt)
5 juillet 1932 – 2 août 1950
(18 ans et 28 jours)
Président du Conseil

Lui-même
Prédécesseur

Nouvelle fonction
Successeur

Santos Costa (pt)
Ministre de la Marine
30 janvier 1939 – 2 février 1939
(3 jours)
Président du Conseil

Lui-même
Prédécesseur

Manuel Ortins de Bettencourt
Successeur

Manuel Ortins de Bettencourt
25 janvier 1936 – 5 février 1936
(11 jours)
Président du Conseil

Lui-même
Prédécesseur

Manuel Ortins de Bettencourt
Successeur

Manuel Ortins de Bettencourt
Ministre des Affaires étrangères
6 novembre 1936 – 4 février 1944
(7 ans, 2 mois et 29 jours)
Président du Conseil

Lui-même
Prédécesseur

Armindo Monteiro
Successeur

José Caeiro da Mata
Ministre de la Guerre
11 mai 1936 – 6 septembre 1944
(8 ans, 3 mois et 26 jours)
Président du Conseil

Lui-même
Prédécesseur

Abílio Passos e Sousa (pt)
Successeur

Santos Costa (pt)
Ministre des Colonies
21 janvier 1930 – 20 juillet 1930
(5 mois et 29 jours)
Président du Conseil

Domingos Oliveira
Prédécesseur

José Bacelar Bebiano
Successeur

José Bacelar Bebiano
Ministre des Finances
28 avril 1928 – 28 août 1940
(12 ans et 4 mois)
Président du Conseil

José Vicente de Freitas
Artur Ivens Ferraz
Domingos Oliveira
Lui-même
Prédécesseur

João José Sinel de Cordes
Successeur

João Pinto da Costa Leite (pt)
3 juin 1926 – 19 juin 1926
(16 jours)
Président du Conseil

Mendes Cabeçadas
Prédécesseur

Armando Manuel Marques Guedes (pt)
Successeur

Filomeno da Câmara de Melo Cabral (pt)
Biographie
Nom de naissance
António de Oliveira Salazar
Date de naissance
28 avril 1889
Lieu de naissance

Vimieiro (Portugal)
Date de décès

27 juillet 1970(à 81 ans)
Lieu de décès

Lisbonne (Portugal)
Nationalité

portugaise
Parti politique

Union nationale
Conjoint
Célibataire
Profession
Professeur d'économie
Religion

Catholicisme





Signature de António de Oliveira Salazar




António de Oliveira Salazar

Présidents du Conseil portugais
Présidents de la République portugaise

António de Oliveira Salazar, né le 28 avril 1889 à Vimieiro et mort le 27 juillet 1970 à Lisbonne, est un homme d'État portugais. Professeur d'économie de l'université de Coimbra, il est surtout connu comme président du Conseil des ministres du Portugal de 1932 à 1968, inspirateur et figure centrale du régime autoritaire[1] connu sous le nom d'Estado Novo.




Sommaire






  • 1 Jeunesse


  • 2 Parcours académique et premiers pas en politique


  • 3 Arrivée au pouvoir


  • 4 L’État nouveau, un régime autoritaire


  • 5 Seconde Guerre mondiale


  • 6 Guerre coloniale


  • 7 Mort et postérité


  • 8 Notes et références


  • 9 Bibliographie et sources


    • 9.1 Ouvrages utilisés pour la rédaction de l'article


    • 9.2 Autres ouvrages sur le sujet




  • 10 Voir aussi


    • 10.1 Liens externes







Jeunesse |


Salazar est le quatrième et dernier enfant d'une modeste famille rurale, conservatrice[2] et catholique, originaire de la Beira Alta. Son père, Antonio de Oliveira, est l'intendant d'un domaine terrien. Sa mère, Maria do Resgate, exploite la petite auberge familiale. Il a trois sœurs aînées.


Alors que l'ambition des parents est d'orienter leur fils vers le commerce, le curé de la paroisse préconise les cours du séminaire religieux de Viseu[3] où il entre en 1900[4] à l'âge de 11 ans.


En 1905, il complète le cycle préparatoire. Il entreprend alors les études théologiques dominées par les courants thomistes en vigueur. Il conclut le cours en 1908 en étant major de sa promotion[4] et reçoit les ordres mineurs. Il part ensuite suivre les cours du collège Barreiros pendant trois ans.



Parcours académique et premiers pas en politique |


Salazar est un cas unique parmi les « grands dictateurs » du XXe siècle dans la mesure où sa reconnaissance publique découle de son mérite académique[4].


À l'automne 1910, l'intégration de Salazar à l'université de Coimbra coïncide avec la chute définitive de la Monarchie. À cette époque l'université compte moins de 505 étudiants et y étudier revient à accéder à l'élite restreinte des futurs dirigeants du Portugal. Les étudiants se connaissent tous et maintiennent un réseau amical pour le reste de la vie. Le temps que Salazar passe à Coimbra sera une escalade jusqu'au sommet de la hiérarchie académique[4].


Au départ, Salazar s'inscrit en Lettres puis change rapidement pour le Droit. Il ne tarde pas non plus à adhérer au Centro Académico de Democracia Cristã (pt) (CADC), un mouvement étudiant fondé dix ans auparavant pour défendre les principes politiques et sociaux du Pape Léon XIII[4].


Pour Salazar, le CADC deviendra l'estrade de ses premières déclarations publiques abordant les affaires politiques, dans le détail. Salazar y rencontre la majeure partie de ses amis de faculté dont le plus intime[5] est Manuel Cerejeira, un prêtre du Minho qui, après Coimbra, atteindra rapidement le sommet de la hiérarchie de l'Église portugaise, devenant, en 1929, cardinal-patriarche de Lisbonne. Tout au long de leur carrière respective, les deux hommes maintiendront une correspondance régulière mais distante[5].


En 1912, Cerejeira fonde le journal O Imparcial (pt), qui vise à attaquer l'anticléricalisme régnant à l'université. Salazar y contribue régulièrement en signant ses articles du pseudonyme Alves da Silva, en y abordant des questions de réforme éducative et de vie universitaire. Ses premiers articles sont anodins, à la prose lourde et complexe, caractéristique de l'époque et contrastant avec ses écrits plus tardifs[4].


En mars 1912, dans un article intitulé « Tristezas não Pagam Dívidas » — Les peines ne paient pas les dettes — , Salazar plus politique met en perspective les principes de Léon XIII, les idéaux qui animent le CADC et la réalité d'un Portugal gouverné par les républicains[4] :


« Contemplée à la lumière de ces principes élevés, la situation présente de notre pays ne permet pas un souffle d'espoir ni ne rallume dans nos âmes patriotes les frissons impétueux qui, dans la trajectoire olympique de notre espèce, traça d'éloquents tableaux d'épopées. (…) Le Portugal est actuellement un cataclysme en marche. Nous réveillerons-nous ? Nous sauverons-nous ? Voici la grande, l'impressionnante inconnue, dont les responsabilités incombent – toutes ! – à des caciques désorientés, qui veulent dépecer les plus vigoureux piliers de l'âme portugaise et la pousser ensuite dans le fossé où se décomposent les nations détériorées et moribondes[6]. »


Le 8 décembre 1912, Salazar prend la parole lors de la session d'ouverture des activités du CADC pour l'année académique courante. Il recourt à son plan rhétorique favori, allant du bas vers le haut, en se concentrant successivement sur l'individu, puis la famille, pour finir sur le pays[4]. L'Homme est la base de la Société et les changements sociaux doivent seulement s'accomplir par l'éducation. Mais ces changement ne doivent pas être conduits au détriment des familles, la première et la plus importante source d'éducation de l'individu[4].


La famille est, pour Salazar, « la cellule sociale dont la stabilité et la fermeté sont les conditions essentielles du progrès[7] ». Comme démocrates chrétiens, les membres du CADC doivent suivre ces devoirs et non s'esquiver, sans tomber dans le piège traditionnel qui les attendait : une vie parasitaire passée à servir l'État, travaillant peu et ne créant rien. Le travail, dit-il, est plus qu'une simple création de richesse mais une école de vertu.


Partant de ces prémisses, Salazar aborde alors le rôle du chrétien dans la politique portugaise. Le Portugal, dit-il, pouvait être une République, mais n'était pas une démocratie. La réaction populaire contre les privilèges était allée trop loin et de nouveaux privilèges et de nouvelles formes d'exclusions s'étaient créés. Dans de telles circonstances, il ne pouvait y avoir de liberté, d'égalité et de fraternité – des principes générés, défend-il, par les enseignements chrétiens[4] :


« Nous, bien entendu mes chers Messieurs, bien que nous nous appelions démocrates-chrétiens, nous ne reconnaissons pas pour autant une démocratie qui ne soit pas fondée sur le Christianisme, car hors du Christianisme, nous ne comprenons pas ce qu'est ou pourrait être la liberté, l'égalité et la fraternité humaine[7]. »


La conclusion est simple : les catholiques ne doivent pas se limiter à désirer être « tolérés » par la classe politique ; ils devraient plutôt revendiquer une place au centre de la politique et la conquérir par leur travail. C'était aux autres d'apprendre à être tolérants et comprendre que la religion n'est pas l'ennemie du progrès, mais un ingrédient essentiel de moralité, d'ordre et civilisation[4] :


« Le christianisme sous sa forme parfaite et complète ne s'oppose pas aux libertés publiques ou aux institutions modernes. Et si entre démocratie et Église, il existe un malentendu très grave, c'est à nous, démocrates-chrétiens, qu'il revient précisément de le réparer[7]. »


Il obtient sa licence de droit en 1914 et devient enseignant à la faculté alors qu'il prépare un doctorat en sciences économiques sur « Le taux de l'Or : sa nature et ses causes (1891-1915) »[8] (1916). Il devient ensuite titulaire de la chaire d'économie politique et de finance de l'université de Coimbra[3].


En 1919, il est accusé de participer à un complot royaliste ; cette accusation l'amène à s'engager en politique contre la république ouvertement anticléricale de l'époque[9]. Il écrit des articles remarqués sur la situation financière du Portugal et entre en politique à l'époque du mouvement révolutionnaire du 19 octobre 1921, fondant un nouveau parti, le Centre catholique (pt), qui rassemble républicains et monarchistes[3]. À l'université, il côtoie Manuel Gonçalves Cerejeira, le futur cardinal-patriarche de Lisbonne[10]. Ses opinions et ses liens avec le mouvement de la Jeunesse catholique lui permettent d'être élu, en 1921, pour un bref mandat de député catholique du Centre académique de démocratie-chrétienne (CADC) au Parlement. Après avoir assisté à sa première session, il décide de ne plus y siéger. Influencé par les idées de Charles Maurras[11],[12], il prône déjà un État fort, tout en préconisant une transformation de l'État « par l'intérieur »[13]. Il devient progressivement le chef de son groupe, obtenant également le soutien de l'Église portugaise, mais aussi de l'Union du commerce et de l'industrie[14]. Malgré une ascension rapide dans la hiérarchie de l'université de Coimbra, l'ambition politique de Salazar doit marquer le pas jusqu'en 1926 dans la mesure où ses prédilections politiques catholiques n'étaient pas dans les bonnes grâces de la Première République portugaise. Cette année-là, l'Armée fait tomber un régime devenu moribond, cherchant ensuite à constituer une équipe de spécialistes civils destinée à remettre en état les finances et la vie économique du pays, et aider à remodeler de nouvelles institutions politiques. Salazar tire profit de la situation. En 1928, à l'âge de trente neuf ans, il devient le « dictateur des finances » du pays, assumant le ministère des Finances ; quatre ans plus tard, il est nommé président du Conseil des ministres, charge qu'il occupe pendant les trente-six années suivantes[4].



Arrivée au pouvoir |


Article connexe : Dictature nationale.

En 1926, un régime militaire dirigé par Mendes Cabeçadas, puis par le général Gomes da Costa, met fin au régime parlementaire. C'est le début de la Deuxième République portugaise ou « dictature nationale ». Le Portugal vit alors une crise économique et militaire. Si les militaires mettent fin à la république, ils ne viennent pas à bout de la grave crise que connaît le pays. En 1928, Mendes Cabeçadas nomme, sur les conseils de Cunha Leal (pt), Salazar au poste de ministre des Finances. Salazar démissionne au bout de quatre jours, estimant ne pas avoir les moyens d'agir comme il le souhaite. Il réclame les pleins pouvoirs afin d'assainir la situation financière du pays au bord de la banqueroute. Le gouvernement va être obligé de demander l'aide de la Société des Nations pour s'en sortir. L'orgueil national est touché. Le nom de Salazar s'impose encore une fois. Le 18 avril 1928, Óscar Carmona le nomme à nouveau aux Finances[15]. Salazar a alors le pouvoir d'imposer ses conditions : aucun escudo ne doit être dépensé sans son accord[16].


En un an, il procède à un redressement financier spectaculaire : rétablissement de l'équilibre budgétaire et stabilisation de la monnaie[17]. Même si Salazar n'est pas encore chef du gouvernement, il sait utiliser les crises politiques afin de consolider son pouvoir[18]. En 1930, il cumule les portefeuilles des Finances et des Colonies.


Le 25 juin 1932, Salazar est nommé président du Ministère (chef du gouvernement) par le président de la République, le général Óscar Carmona. Salazar consolide le régime autoritaire en prenant ses distances avec les milieux qui l'ont soutenu, en créant un mouvement qui deviendra le parti unique (l'Union nationale) et en instaurant une nouvelle Constitution (pt) en 1933 ; celle-ci lui confère les pleins pouvoirs et le contrôle total de l'État en qualité de président du Conseil. C'est l'Estado Novo (l'État nouveau)[19].



L’État nouveau, un régime autoritaire |


Article connexe : Estado Novo (Portugal).

Salazar met en place l'Estado novo (l'État nouveau), un régime autoritaire, conservateur, catholique et nationaliste. L’État nouveau est anti-communiste mais ne prétend pas développer la puissance de l'État en un régime fasciste. Dans la doctrine de Salazar, l’État a vocation à protéger et servir d'arbitre à une économie organisée sur le principe du corporatisme[20]. En outre, reconnu pour son mode de vie simple et ascétique, Salazar n'introduit pas de culte de la personnalité, contrairement aux autres dictatures contemporaines. Le régime a pour devise officielle : « Dieu, Patrie, et Famille » qui dans les faits sera plus connue sous la dénomination péjorative du « triple F » pour fado, Fátima et football[21],[22].[réf. insuffisante] Dès lors, Salazar maintient son hégémonie personnelle avec le soutien de riches propriétaires, d'industriels, et de banquiers[réf. nécessaire]. Les syndicats et la presse indépendante sont interdits ainsi que toute opposition politique, dissidence ou autre institution hostile[réf. souhaitée]. Le Parti communiste portugais (PCP) poursuivra son action clandestine de l'étranger avec son chef Alvaro Cunhal. Salazar appuie son pouvoir sur le parti unique, l'Union nationale, et favorise l'Église catholique romaine et les corporations pour prendre le contrôle de la société portugaise.


En économie, Salazar impose, surtout à partir de 1933, un régime corporatiste, inspiré des encycliques pontificales. Le corporatisme portugais se distingue du système italien en laissant une véritable autonomie aux corps de métiers et à l'Église catholique, ce qui lui vaut d'être plébiscité en France par l'extrême droite et la partie de la droite tentée par la solution corporatiste. C'est particulièrement net pour les questions agricoles. Bien des aspects de la Révolution nationale du Maréchal Pétain trouveront leur origine dans le salazarisme[23].


En 1933, aidé par le capitaine Agostinho Loureço, il met en place, une police politique, la PVDE (Polícia de Vigilância e Defesa do Estado (pt) ou Police de Surveillance et de Défense de l'État), qui devient en 1945 la PIDE (Police Internationale et de Défense de l'État) puis, après sa mort, la DGS (Direção-Geral de Segurança (pt) ou Direction Générale de Sécurité). Son rôle est de surveiller la population, de chasser les opposants au régime en métropole et dans les colonies et d'appliquer la censure[24]. Selon certaines sources la PVDE est mise en place avec l'appui de la Gestapo et de la police fasciste italienne[25], mais selon le Professeur Douglas Wheeler la PVDE a été établi sous l’influence du MI5 anglais, par le capitaine Agostinho Lourenço, un anglophile qui, après la Seconde Guerre mondiale est devenu président d'Interpol. Selon Douglas Wheeler L'influence de la Gestapo dans la création de PVDE est impossible par ordre chronologique. La Gestapo fut créée en Avril 1933 et Agostinho Lourenço commencé à travailler dans la création de la PVDE en 1932[26].


Des prisonniers politiques sont incarcérés dans des centres de rétention où la torture est pratiquée[27], comme la prison de Caxias[27], près de Lisbonne, ou celle de Tarrafal, dans les îles du Cap-Vert[28]. L'armée et la police politique quadrillent le pays[précision nécessaire], en ayant notamment recours à des indicateurs, les bufos, fondus dans la population.


Durant la guerre d'Espagne, fidèle à ses convictions anti-communistes, il apporte son soutien à Francisco Franco dans sa lutte contre les Républicains[réf. souhaitée]. Il ouvre ses ports au transit de matériels d'armement (armes, avions)[réf. nécessaire] fournis par l'Allemagne nazie et l'Italie fasciste au profit des nationalistes espagnols, et met à disposition des franquistes des moyens de communication et de propagande. Il permet également qu'une Légion portugaise de 12 000 hommes participe aux combats contre les républicains. L’aide de Salazar, dans les six premiers mois du conflit, se révèle décisive[réf. nécessaire] pour la victoire de Franco en 1939. Les relations personnelles entre les deux hommes ne seront cependant jamais amicales.


La personnalité de Salazar tranche avec celles des autres dictateurs de cette époque. Il mène une vie de moine, ascétique et modeste, travaillant dans sa petite maison du centre de Lisbonne, protégée par deux sentinelles seulement[réf. nécessaire].



Seconde Guerre mondiale |


Durant la Seconde Guerre mondiale, il parvient à stabiliser les finances grâce à une politique monétaire restrictive au prix d'un déficit en denrées alimentaires et d'une importante inflation. Il réussit à maintenir une neutralité apparente (pour préserver l'alliance avec le Royaume-Uni). En effet, Salazar considère que la politique étrangère, lorsqu’elle intervient sur le continent européen, a rarement pour but de défendre les intérêts vitaux de la nation portugaise[29]. Il reste méfiant envers l'Allemagne hitlérienne (ainsi qu'envers les puissances de l’Axe) qui, dans une carte du Lebensraum, prévoit l'annexion du Portugal (en raison notamment de l'intérêt du pays et de ses colonies). Quelques jours avant la fin de la Guerre d'Espagne, le 17 mars 1939, le Portugal et l'Espagne avait signé le Pacte Ibérique, un traité de non-agression qui marquait le début d'une nouvelle ère dans les relations entre les deux pays. Les rencontres entre Franco et Salazar jouaient un grand rôle dans cette nouvelle donne politique. Un amendement fut signé le 29 juillet 1940, juste après la défaite française, face à l'Allemagne [30]. D'après l'ambassadeur britannique à Madrid, Samuel Hoare, le pacte aurait eu une influence décisive dans le maintien de l'Espagne dans la neutralité en-dehors de l'Europe hitlerienne [31]


Salazar donne des instructions explicites à ses ambassadeurs pour qu'ils limitent l'octroi de visas aux personnes cherchant à fuir la France, lorsque celle-ci est envahie par l'Allemagne. Pendant l'été 1940, Aristides de Sousa Mendes, consul portugais à Bordeaux, passe outre les consignes de Salazar (la fameuse « circulaire 14 (pt) ») et concède des visas, sauvant ainsi de nombreux juifs de la Shoah[32]. Le nombre de visas délivrés par Sousa Mendes ne peut être estimé avec exactitude, mais selon l'historien Avrham Milgram, dans une étude publiée par le Shoah Resource Center, International School for Holocaust Studies, en 1999, les chiffres habituellement annoncés sont exagérés[33]. Plus tard, une documentation sur Sousa Mendes a été rendue publique où il apparaîtrait qu'il ne fut jamais destitué et qu'il continua à recevoir son salaire de consul jusqu'à sa mort en 1954[34],[35]. Bien qu'après l'éviction de Mendes, une période de flottement ait entraîné l'annulation de quelques centaines de visas et la fermeture de la frontière, dès 1942 les réfugiés entrés illégalement ne furent plus refoulés, et en 1943 on décida de rapatrier les Juifs portugais vivant en France[36]. Finalement, entre 40 000 et 100 000 Juifs se réfugièrent au Portugal pendant la guerre[37],[38].


Durant la guerre, Salazar maintint également des relations commerciales avec les forces de l'Axe, ce qui bénéficia à l'industrie portugaise. Il fournit quelques métaux rares (tungstène et étain) au régime nazi et laissa quelques centaines de militants fascistes portugais s'engager dans la División Azul, alors que les militaires portugais combattaient les Japonais aux côtés des soldats néerlandais au Timor[réf. nécessaire].


Fidèle à l'alliance traditionnelle du Portugal et de la Grande-Bretagne, il permit, en août 1943, aux Alliés d'installer une base militaire aux Açores pour surveiller l'Atlantique et lutter contre les U-Boote. Le 4 mai 1945, lors de l'annonce de la mort d'Hitler, il fut l'un des seuls chefs d'État occidentaux – avec l'Irlandais Éamon de Valera – à envoyer un télégramme de condoléances à Berlin, et fit mettre les drapeaux en berne : une demi-journée de deuil national est décrétée, comme pour tout chef d'État entretenant des relations diplomatiques avec le Portugal.


En 1949, le Portugal intégra l'OTAN en raison du fort anti-communisme de Salazar et du rôle géostratégique des colonies portugaises.



Guerre coloniale |






Marcelo Caetano.


Défenseur d'une politique colonialiste, Salazar souhaite maintenir l'unité territoriale du « Portugal continental, insulaire et ultra-marin », « du Minho au Timor », alors que les nations européennes décolonisent progressivement l'Afrique. Les guerres coloniales, qui durent de 1961 à la révolution des Œillets, en 1974, coûtent la vie à 8 000 soldats portugais.


Il manifeste pourtant peu d’intérêt pour le sort des populations colonisées. Entre 1941 et 1948, une famine dans les îles du Cap-vert provoque la mort de 50 000 personnes, soit le tiers de la population, dans « l'indifférence totale » du gouvernement portugais : aucune aide humanitaire n'est envoyée[39]. Au lendemain de la Seconde guerre mondiale, les colonies sont encore très peu développées : à Sao Tomé-et-Principe aucun lycée n'a encore été ouvert, tandis qu'en Angola et au Mozambique les seules institutions ouvertes en annexes à l'université de Coimbra sont destinées aux fils de colons[40].


Il pratique une politique isolationniste sous le slogan « orgueilleusement seuls ». Isolé, le Portugal vit une époque de récession économique[réf. nécessaire] et culturelle.



Mort et postérité |


L'élection présidentielle de 1958 (pt), à laquelle l’opposition présente comme candidat le général Humberto Delgado, marque le début d’une crise politique interne. Salazar introduit quelques réformes plus symboliques qu'efficaces. Mais les méthodes de gouvernement ne changent pas. En 1961, un paquebot de croisière, le Santa Maria (pt), est dérouté par un opposant, Henrique Galvão, qui trouvera refuge au Brésil. En 1965, des agents de la PIDE enlèvent et tuent en Espagne le général Delgado, devenu le symbole de l’opposition anti-salazariste, et sa secrétaire, près de Badajoz.


Il est contraint à renoncer au pouvoir en 1968, après avoir été victime d'un accident vasculaire cérébral. Il est remplacé par Marcelo Caetano. Mais ayant été nommé « président du Conseil à vie », personne ne l'informera de son éviction. Salazar meurt le 27 juillet 1970.


Son successeur, Marcelo Caetano, restera au pouvoir jusqu'en 1974 dans un pays affaibli. Il sera renversé lors de la révolution des Œillets.


Le 25 mars 2007, un sondage réalisé au Portugal par la BBC et publié par la RTP plaçait Antonio de Oliveira Salazar comme la personnalité la plus importante de l'histoire lusitanienne avec 41 % des voix[41]. Ce sondage a été confirmé depuis par plusieurs autres études similaires mettant même Salazar devant Vasco de Gama.



Notes et références |





  1. http://www.histoire.presse.fr/content/recherche/article?id=1010.


  2. O salazarismo de Jacques Georgel, p. 37.


  3. a b et cP. Gilles, Le redressement financier au Portugal, 1938, 222 p., p. 6-7.


  4. a b c d e f g h i j k et l(pt) Filipe Ribeiro de Meneses, Salazar : Uma Biografia Politítica [« Salazar. A Political Biography »], 2010, 3e éd., 803 p. (ISBN 978-972-20-4005-1), p. 21-105. « De Santa Comba Dão a São Bento ».


  5. a et b(pt) Rita Almeida de Carvalho, António de Oliveira Salazar/Manuel Gonçalves Cerejeira, Correspondência 1928-1968, 2010, 323 p. (ISBN 978-989-644-074-9), p. 11-12.


  6. (pt) Antonio Oliveira Salazar, Inéditos e dispersos, « Tristezas não Pagam Dívidas », vol. I, p. 181.


  7. a b et c(pt) Antonio Oliveira Salazar, Inéditos e dispersos, « Conferência de reabertura do CADC », vol. I, p. 181.


  8. [1].


  9. O salazarismo de Jacques Georgel, p. 39.


  10. O salazarismo de Jacques Georgel, p. 38.


  11. (en) Julian Jackson, France : The Dark Years, 1940-1944, Oxford ; New York, Oxford University Press, 2001, 660 p., (ISBN 978-0-19820-706-1).


  12. (en) Paul H. Lewis, Latin Fascist Elites : The Mussolini, Franco, and Salazar Regimes : The Mussolini, Franco, and Salazar Regimes, ABC-CLIO, 2002, 256 p., (ISBN 978-0-31301-334-8), p. 131.


  13. (Labourdette 2000, Un nouvel éventail politique).


  14. O salazarismo de Jacques Georgel, p. 52.


  15. O salazarismo de Jacques Georgel, p. 54-55.


  16. La confiance qu'il a en lui est illustrée par ses propos : Je sais très bien ce que je veux et où je vais […] que le pays observe, fasse des remarques, réclame, discute, mais qu'il obéisse quand viendra mon tour de commander dans O salazarismo de Jacques Georgel, p. 56.


  17. O salazarismo de Jacques Georgel, p. 56.


  18. O salazarismo de Jacques Georgel, p. 57.


  19. O salazarismo de Jacques Georgel, p. 58.


  20. Cité dans : Salazar, Jacques Ploncard d'Assac, 1976, la table ronde.


  21. Michael Harsgor, Naissance d'un nouveau Portugal, Paris : Seuil, 1975, p. 44 (OCLC 2347936).


  22. Michel Demeuldre, Sentiments doux-amers dans les musiques du monde : délectations moroses dans le blues, fado, tango, flamenco, rebetiko, p'ansori, ghazal, Paris, L'Harmattan, 2004. (ISBN 978-2-74756-290-4), p. 316.


  23. Yves Léonard, Salazarisme et fascisme, Paris, Chandeigne, 1996, 223 p., (ISBN 978-2-90646-223-6), p. 12.


  24. (en) Philip L. Kohl, Clare Fawcett, Nationalism, Politics and the Practice of Archaeology, Cambridge, Cambridge University Press, 1995, 329 p., (ISBN 978-0-52155-839-6), p. 60.


  25. (en) Diamantino P. Machado, The Structure of Portuguese Society : The Failure of Fascism, New York, Praeger, 1991, 216 p., (ISBN 978-0-27593-784-3), p. 93.


  26. (en) Douglas L. Wheeler, « In the Service of Order: The Portuguese Political Police and the British, German and Spanish Intelligence, 1932-1945 », Sage Publications, Ltd., vol. 18, no 1,‎ 1983, p. 1–25 (DOI 10.1177/002200948301800101, lire en ligne)


  27. a et b(en)« How the CIA Taught the Portuguese to Torture », Christopher Reed, Counterpunch, mai 2004.


  28. Camp de concentration de Tarrafal, Unesco, 2004.


  29. Jean-François Labourdette, Histoire du Portugal, Paris, Fayard, 2000, 704 p.


  30. Maria Inácia Rezola, "The Franco--Salazar Meetings: Foreign policy and Iberian relations during the Dictatorships (1942-1963)" E-Journal of Portuguese History (2008) 6#2 pp 1-11. online


  31. Samuel Hoare, Samuel . 'Ambassador on Special Mission'. UK, Collins; First Edition. 1946, p.58


  32. (en) Avraham Milgram, « Portugal, Salazar, and the Jews », sur case.edu, Case Western Reserve (consulté le 21 mars 2014).


  33. Avraham Milgram, « Portugal, the Consuls, and the Jewish Refugees, 1938–1941 », Yad Vashem Studies, vol. XXVII, Jerusalem, 1999, p. 123-56.


  34. http://badigital.sgmf.pt/Arquivo-DGCP--07---005---003/1/.


  35. Rui Afonso, Um Homem Bom, Aristides de Sousa Mendes, O "Wallenberg" Portugues, Éd. Caminho, p. 257.


  36. « Comment l’Espagne et le Portugal réagirent-ils face à la Choah ? » de Bernd Rother.


  37. « Portugal, Salazar, and the Jews »… Les chiffres varient suivant les sources, Yehuda Bauer estime que 40 000 Juifs rejoignirent le Portugal en 1940-41 (p. 61) quand l’American Jewish Yearbook’s (1944) estime le nombre de réfugiés juifs à près de 100 000 individus.


  38. Les dictateurs du XXe siècle, Sophie Chautard.


  39. Saïd Bouamama, Figures de la révolution africaine. De Kenyatta à Sankara, La Découverte, 2014


  40. Amzat Boukari-Yabara, Africa Unite, une histoire du panafricanisme, La Découverte, 2014, p. 238-247


  41. (pt) « Salazar eleito "o maior português de sempre" em programa da RTP ».




Bibliographie et sources |



Ouvrages utilisés pour la rédaction de l'article |




  • (pt) Filipe Ribeiro de Meneses (trad. Teresa Casal), Salazar : Uma Biografia Politítica [« Salazar. A Political Biography »], Alfragide, Publicações Dom Quixote, 2010, 803 p. (ISBN 978-972-20-4005-1, lire en ligne) ,[(pt) Présentation de l'ouvrage par l'éditeur] ,[(fr) Présentation de l'ouvrage en revue spécialisée. Revue d'histoire politique, L'Harmattan, 2012, n°17.] ,[(pt) Interview de l'auteur dans Público, sup. littéraire, Août 2010].

  • P. Gilles, Le Redressement financier au Portugal,  éd. Librairie générale de droit et de jurisprudence, 1938, 222 p..


  • Jacques Ploncard d'Assac, Salazar 1963 ; 2e augmentée, 1983 [ouvrage favorable à Salazar].


  • (pt) Rita Amleida de Carvalho, Correspondência 1928-1968 : António de Oliveira Salazar/Manuel Gonçalves Cerejeira, Portugal, Instituto de Historia Contemporânea, 2010, 1re éd., 323 p. (ISBN 978-989-644-074-9).

  • Jacques Georgel, O salazarismo, publicações Dom Quixote, 1985 (préface de Mario Soares).


  • Jean-François Labourdette, Histoire du Portugal, Fayard, 2000, 703 p. (ISBN 9782213640105, lire en ligne).



Autres ouvrages sur le sujet |




  • Pomeyrols, Hauser, L'Action Française et l'Étranger : Usage, réseaux et représentations de la droite nationaliste française, Paris, L'Harmatan, 2001, 148 p. (ISBN 2-7475-1778-0, lire en ligne), p. 123-131.


  • Christian Rudel, Salazar, Mercure de France, 1969, 276 p.


  • Michel Cahen, « Salazarisme, fascisme et colonialisme »(Archive • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?) (consulté le 27 août 2017), Documentos de Trabalho, no 47.

  • Yves Léonard, Salazarisme et fascisme,  éd. Chandeigne, 1996 (préface de Mario Soares).


  • Henri Massis, Salazar face à face, 1961.


  • Salazar, Principes d'action, préface de Pierre Gaxotte, portrait de Gustave Thibon, Fayard, 1956.

  • Eduardo Coelho, António Macieira, Salazar, o fim e a morte : história de uma mistificação ; inclui os textos inéditos do Prof. Eduardo Coelho Salazar e o seu médico e Salazar visto pelo seu médico (1re éd.), Lisboa: Publ. Dom Quixote, 1995, (ISBN 972-20-1272-X).

  • Jean-Claude Rolinat, Salazar le regretté… Les Bouquins de Synthèse nationale, 2012, 164 pages.


  • Staercke, André de, Mémoires sur la Régence et la Question Royale., Bruxelles, Editions Racine, 2003, 384 p. (ISBN 9782873863166), p. 284-296.


  • Olivier Dard, Célébrer Salazar en France (1930-1974) : du philosalazarisme au salazarisme français, Paris, Peter Lang, 2017.



Voir aussi |


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    • Bibliothèque universitaire de Pologne

    • Bibliothèque nationale de Catalogne

    • WorldCat




  • [vidéo] Le Portugal de Salazar, 1961 (archive de la Télévision suisse romande).


  • [vidéo] Le Portugal après Salazar, 1968 (archive de la Télévision suisse romande).


  • [vidéo] Os Grandes Portugueses (VOSTF), 2006 (Portrait de Salazar dans l'émission Les Grands Portugais diffusé sur la Radio Télévision du Portugal).




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